• Dans l'immense et délabrée bâtisse

    D'où l'on voit le crépuscule

    Dort, lovée au creux des décombres, Alice.

    Sur ses cheveux se pose une libellule.

     

    Ici et là reposent les rêves, délavés.

    Myriades de runes.

    Résignés à la quiétude et

    Bercés par les rayons de la lune.

     

    "Cette époque est bien trop illusoire,

    Nos fantaisies n'égalent ses verrous

    Fi de tout ce noir désespoir

    Adieu, Hommes, adieu, Fous."

     

    Les carcasses des années jonchent le sol,

    L'argent des heures et la noirceur des jours

    S'épandent en mille reflets, sombre corolle,

    Trouant le coeur de l'endormie de râles sourds.

     

    Sur un vieux guéridon, une boite à musique

    Détient dans ses notes les âmes abîmées,

    Elles narrent l'histoire des mélancoliques,

    De leurs éternellement tristes épopées.

     

    Et dans la poussière des abandons,

    Qui peut penser berner la fatalité ?

    Semer les fleurs et risquer le chardon,

    Troubler le calme des impardonnés ?

     

    Pourtant, un nuage d'espoir existe encore.

    Protégée par sa pureté, une plume,

    Innocemment, y trône en trésor.

    Et une lueur dans le désordre s'allume...

     

    (V.1. ici)


    2 commentaires
  • Crysalide

     

    1. Ana :

     Je m'appelle Ana, j'ai seize ans. Ce matin, je suis allée mourir un peu plus sur ces chaises pourries qu'ils ont acheté pour rien. On a eu Français, géo, bio, math et gym. Routine rancunière du mercredi.

     J'ai traversé les heures en jouant Green Day dans mon bordel mental, encore parlé à personne, c'est pas ma faute, j'ai rien à dire, je sais même pas quel temps il fait aujourd'hui.

     Après, je suis pas rentrée chez moi. J'ai mis le casque du bonheur par dessus mes boucles, j'ai poussé le volume au maximum et je suis allé manger un morceau d'animal mort dans une baguette.

     Ca fait à peine quelques heures que j'ai embarqué dans la première Boite Usée à Souffrance que j'ai croisé pour atterrir sur mon lit, et là, là il y a un truc bizarre qui se passe. Le vinyle tourne toujours, les notes rebondissent sur les murs mais j'ai l'impression que quelque chose a changé depuis tantôt, c'est comme si tout se mettait à tomber...

     En fait, maintenant que je l'écris, je pense que tout tombe vraiment: je n'arrête pas de m'enfoncer dans mon matelas qui s'enfonce dans le sommier qui s'enfonce dans le sol qui s'enfonce dans le... vide ?

     Les sons s'étirent et s'évaporent, les arbres que j'aperçois à travers ma fenêtre ondulent. J'ai aussi cette étrange sensation dans tout le corps, je pense que mes os... s'échappent ?

     Tout est bleu, tout est rouge, tout est noir, est-ce mon chat qui crie ou ma bouche qui miaule ?

     

    2. Émilie :

     Je m'appelle Émilie, je suis postière. À quatre heure ce matin j'ai pris mon café dans la même tasse transpirante de produit vaisselle qu'hier, puis je suis partie distribuer ces lettres, bruyantes de bavardages inutiles, comme toujours.

      Quand les aiguilles ont toutes deux pointé le douze simultanément, j'ai répandu la vinaigrette sur ma salade qui a eu la gentillesse se diriger vers mon œsophage avec, toutefois, la lenteur que je lui connais.

      Cela fait bientôt vingt minutes qu'un banc a bien voulu que je prenne appui sur sa personne, mon cerveau me fait souffrir. C'est amusant, les objets ont l'aire de... bouger tout seuls ?

     Par exemple, je ne sens pas le moindre souffle de vent mais les missives de ma sacoche se sont mises à danser en rond devant moi, et puis, cet immeuble semble tout de même vouloir s'en aller vers le parc...

     Est-ce que cette dame se fait étrangler par son boa ? Les choses deviennent de plus en plus anormales; que font ces  lampadaires ? Ils ne devraient pas tenter de transpercer les voitures.

     Ça tourne.

     Tout est bleu, tout est rouge, tout est noir, ce sont mes entrailles qui se disloquent ou bien l'univers qui tombe en lambeaux ?

     

    3. David :

     Je m'appelle David, je suis mourant. Je ne sais plus depuis combien de temps je sui ici, depuis combien de temps je mange de la nourriture sans goût, depuis combien de temps ma garde-robe se résume à ce tablier en tissus désagréable, depuis combien de temps je suis seul parmi tout ce monde, tout ce que je sais, c'est qui je suis.

     Les infirmiers m'ont dit qu'ils reviendraient avec mon dentier et quelques anti-douleurs il y a une heure de ça, mais je ne les vois toujours pas.

     Leurs appareils se sont tous mis à clignoter en une cacophonie de flashs lumineux. Le vacarme retentit tellement fort que je n'entends plus rien. Je dis bien j'entends car je n'ai jamais rien vu de ma vie.

     Pourtant, les lumières et les couleurs sont tellement vives, mes oreilles sifflent à présent, je me sens sur le point d'exploser.

     Tout est bleu, tout est rouge, tout est noir, est-ce un miracle ou un cauchemar ?

     

    ~*~


    2 commentaires
  • Ailes :

     

     Elle est grande, elle est belle, elle est distante, elle est cruelle et je l'aime. Je suis petite, discrète, timide, taciturne et amoureuse. J'attends qu'elle me parle depuis des lustres...

     Hier, quand on m'a bousculée dans le bus et que j'ai valsé en arrière, elle m'a rattrapée, elle sentait le fond de teint et la bière, a esquissé un sourir amusé et s'en est retournée vers son groupe de futurs banquiers à sourirs colgate et cheveux en gel.

     Je me suis assise et j'ai écouté ma musique en regardant le paysage, noircit par la lune, défiler par la fenêtre sale. Je n'ai pas pleuré, je me suis mordue les lèvres. Plus insignifiante que jamais, j'ai pensé: "No Futur".

     Vers une heure du matin, je me suis endormie. J'ai fait un rêve étrange... je tenais entre mes mains une choses brûlante et agitée. Du sang se répandait sur mes avant-bras, il dégoulinait entre mes doigts, sur ma poitrine... je ne distinguais bientôt plus mon corps de l'organe ou l'organe de mon corps. Tout devint noir, Je ne ressentais plus rien, rien sauf les palpitations régulières du cœur qui était le siens.

     À mon réveil, elle était assise, juste là, à ma droite. Elle évitait de croiser mon regard en fixant la lampe au dessus de nos têtes. Sa main était posée sur l'accoudoir, à côté de la mienne.

     

     ~*~


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique